Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/182

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petite bête ! J’ai eu douze ans, aujourd’hui, comme quand je suis arrivé là-bas. Ça fait du bien, vous savez, de redevenir aussi jeune quand on en a trente de misères sur les épaules. (Il se secoua, s’étira, grand félin qui joue encore mais ne va pas tarder à mordre cruellement, et il se tourna vers Ida.) Pourquoi ne fais-tu pas ton ménage, toi, puisque je t’attends ?

Ida releva le front, sa pauvre figure en larmes s’éclaira. Elle contemplait la rose rouge qui se fanait sur la rude toile de la vareuse.

— Donne-moi la fleur ! gémit-elle d’un ton morne, écho d’une douleur qu’elle ne s’expliquait même pas.

— Ça, non, ma petite. C’est du bien volé. Je suis braconnier de mon état et respectueux de la prise du voisin. Mais j’ai bien plus beau à te donner. Tiens ! je voulais te la remettre en douce… Seulement, ici, faut qu’on se déshabille en public ! D’ailleurs, je m’en fous et si ça peut te consoler, voici !

Il ôta de la première phalange de son petit doigt une bague ornée d’un saphir et la lui tendit.