Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/22

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qu’il ne faut pour placer une bonne voiture.

Mlle Céline Bressol, sollicitée par la vive caresse de l’air salin des dernières plages que l’on quittait et qui lui parut amère, aux lèvres, comme un baiser d’adieu, risqua son visage nu hors du capuchon, un visage tragique sous la lumière de la lune. Les femmes n’ont leur personnelle beauté qu’une fois dans leur vie ! Tout le reste de leur existence elle s’adaptent des masques et tâchent d’harmoniser leurs gestes avec eux. Cette nuit féerique, ce glissement rapide, presque silencieux, sur la pente de tous les abandons, rendaient Céline Bressol, jeune fille encore, tragiquement belle, parce qu’elle avait peur, se sentait dupe et voulait aimer. Jusqu’à ce jour, elle n’avait reçu de Julien que de furtifs cadeaux d’amour : pression de mains, petits soupirs dans les oreilles à peine appuyées par une moustache trop américaine, c’est-à-dire un peu dure, et phrases sentimentales inachevées : « Vous êtes mon premier amour, ô Linette !… » Elle avait attendu des explications et, un autre jour, il avait ajouté, d’un ton farouchement mystérieux : « Quand vous serez à moi, il faudra que je vous dise… » Et il n’avait encore rien