Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/25

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Et la lune était glaciale dans cette nuit d’août. En effet, la lune glissait un reflet de couteau d’argent à ce ruban de satin qui lui serrait les tempes et retenait les touffes de ses cheveux noirs des deux côtés à la manière d’un diadème cruel… ou d’un nimbe inaccessible. Le front, c’était le champ clos où se battaient en ce moment même le chevalier du rêve avec le champion de la réalité.

Le rêve perdait de plus en plus de terrain, rompait, reculait devant la puissance de l’autre, une puissance jusqu’ici représentée par le volant de cette automobile, autre forme de couronne de fer !… Et le front s’abîmant aux yeux, tombant, dans l’arc tendu des sourcils, ne semblait plus penser. Le visage, en dessous du ruban de satin, se figeait, les yeux clairs, le nez droit, pincé et froid du bout, la bouche mordant sa peur à pleines dents et le menton, si fin, s’évanouissant dans une détresse enfantine ! Ah ! pourquoi donc, cet homme était-il son mari puisqu’il n’avait pas encore arrête sa machine pour l’embrasser et lui dire, à genoux : « Vous êtes ma vie et vous êtes mon rêve ; rien ne peut séparer cela, nul couteau et nulle puissance malfaisante ! » Non, il ne