Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/26

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trouvait qu’une chose, c’est qu’elle ne se coiffait pas bien. Elle essaya de réagir et murmura :

— J’aurais dû garder mon voile, peut-être ? Vous disiez que cela me donnait l’air d’une sainte, ce matin.

— Oui, peut-être… Seulement, ce soir, un voile de sainte… non… Linette ! Nous serons à Rouen dans deux heures. À la pointe de l’aube !… Nous irons dans un des meilleurs hôtels… Nous souperons tous les deux, comme on ferait la dînette… puis nous… nous dormirons jusqu’au soir… Ce sera charmant !

Elle répondit avec une voix martelée, une voix qui frappait désespérément, se défendait de l’ongle de toute sa vibration éperdue :

— Je n’ai pas faim, je n’ai pas envie de souper et je n’ai pas sommeil.

C’était net, naïf et déterminé.

Il se mit à rire, d’un bon rire confiant, voulut reprendre la taille lisse dans son bras gauche ; mais alors, comme on était enfin sur la grand’route, le moteur cala.

— Ah ! non ! Ça, par exemple, ce n’est pas le moment de nous faire cette blague ! s’écria Julien Gravier qui sauta au bas de sa voiture.