Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/30

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le contrarier, mais elle avait le cœur gros, comme si, à ses yeux d’enfant, la main noire se fût imprimée jusqu’à sa propre chair.

La voiture, convenablement réparée, fit un kilomètre, puis s’arrêta de nouveau. Il s’agissait, sans doute, d’un court-circuit. Cette fois, on était au milieu de la forêt. Alors, Céline eut peur. Elle se sentait seule, dans un bois, elle qui n’avait jamais passé une nuit hors de la maison de ses parents ! Ce fut la terreur sans nom qu’on n’ose pas avouer à un homme, à un étranger dont les paroles ne sont pas de la même langue que les nôtres. Il l’avait embrassée goulûment dans le cou et cela ne la consolait de rien, parce que ce baiser sentait la déception du monsieur qui ne comprend plus bien ce qui lui arrive, lui aussi. On était parti, tous les deux, pour la jolie fête blanche, et voilà que ça tournait à la guigne noire, y compris les mains sales ! Malgré les mouchoirs, ayant servi l’un après l’autre de serviette, il n’osait plus la toucher parce qu’il était ridicule dans ce rôle d’amant-charbonnier. D’instinct, elle se pelotonnait au fond du baquet en claquant des dents. Des arbres prenaient autour d’elle des apparences fantomatiques et sem-