Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/47

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la seule manière de se comprendre entre gens très doux.

— Voyons ? Dites vite ! Où allons-nous ? Chez vous… chez moi ?… Ma voiture est à la porte… Je viens de plus loin que Rouen. On peut y retourner. Votre nom ? Que dois-je faire ?

— Je voudrais… je voudrais ne pas être sa femme. Est-ce que vous pourriez empêcher cela ?… Moi, j’ai peur. Je sens qu’il ne m’aime pas, qu’il ne m’aimera jamais… et je ne sais pas pourquoi je vous le dis Monsieur, je m’appelle Céline. Je suis mariée depuis hier matin, à l’église de la Vierge de Dieppe. Ah ! si j’osais tout vous avouer ! Ce n’est pas sa faute. Il n’est pas méchant. Pourquoi le tueriez-vous ? C’est moi qui ne sais pas m’y prendre. J’ai peur ! j’ai peur ! Il me semble que je me noie. Au secours !

Elle ne cric pas, elle parle en dedans et ses bras se tordent involontairement parce que cette face d’homme volontaire la domine, l’écrase et lui inspire la plus terrible sensation de sa vie, encore si peu vivante. Elle se sent, sous son regard dur et sauvagement curieux, comme s’épanouir. La fleur cérébrale s’ouvre au soleil du désir enfin venu la réchauffer. Ce