Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/16

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que Madge avait envie d’un poney. Ce poney était le but de tous ses efforts, sa pensée de tous les instants. Un jour, qu’elle avait terminé une broderie à mon entière satisfaction (car elle ne terminait aucun de ses ouvrages) elle me demanda combien vaudrait cette broderie dans un magasin. Je lui fixai une somme. « Cela pourra servir, ajoutai-je, quand nous n’aurons plus de pain. » Le lendemain, elle vint de bonne heure me réveiller. « Tiens, dit-elle, en me montrant quelques pennys, j’ai fait vendre ma broderie par la bonne, je vais me mettre à en faire beaucoup d’autres. J’ai calculé que dans un an, au christmas prochain, si je travaille tous les jours, je pourrai m’acheter un poney. »

— Et si nous manquions de pain ? m’écriai-je, stupéfaite.

— J’apprendrai à faire de la voltige sur mon cheval et je m’engagerai au cirque de la reine.

Elle n’eut pas besoin d’en venir là. Un an après, je fus mistress Veedil. Les Américaines sont froidement excentriques. Madge avait hérité de tout le sang de notre mère, qui était Américaine.