Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/271

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la peur, comme l’amour, est un mal que l’on attrape souvent lorsqu’on n’est que deux.

« Fichtre ! » murmura le précepteur, qui ne jurait jamais.

Pour intimider le voleur, j’ouvris en criant :

« Nous n’aimons pas qu’on nous dérange ! » Je demeurai ahuri devant une enfant de mon âge, une petite pauvresse dont les yeux avaient des reflets d’étoile. Je n’oublierai pas ce tableau, non, de ma vie !

Elle était debout, les mains jointes, sur le perron couvert d’hermine. Derrière elle tombait toute une secouée de flocons qui s’entassaient avec une molle douceur. Plus un bruit, plus un souffle ; le vent s’était tu, ciel et terre se confondaient dans un infini moelleux comme une fourrure, et sa tête poudrée de diamants apparaissait comme une tête de petite reine. Ses haillons avaient des bordures de cygne et se piquaient çà et là de pierreries. C’était enfin la fille de neige… à moitié linceul !

« Laissez-moi entrer, dit-elle rien qu’un peu… Je m’en irai tout de suite… mais j’ai les pieds si froids. »