Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/45

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— Mon enfant, je ne remplace pas le chef, ici, moi.

Je pris mon courage à deux mains. J’allai chercher un châle, le plus épais de mes châles, je le drapai autour de moi et je sortis. La nuit était venue ; en passant devant les fenêtres de la salle à manger, je vis, à travers les jalousies, mon père et Magde qui lisaient les journaux. Le couvert était mis, la théière fumait ; mon père ne perdait pas une ligne de sa feuille. Il baissait et levait l’abat-jour de la lampe pour faire tomber d’aplomb la lumière sur le journal. Madge, dont je voyais les boucles luire comme si elles eussent été en or, ne paraissait pas aussi attentive à sa lecture ; elle regardait souvent de mon côté, je ne sais pourquoi, elle me semblait plus pâle qu’à l’habitude.

En entrant chez James, je vis le docteur, un homme gros et gras, assis de tout son poids sur les jambes du malade, au lieu d’être debout près du lit. Le docteur suait et soufflait ; de temps en temps, il s’essuyait le visage en poussant une exclamation de stupeur.

James avait les deux bras arrondis au-des-