Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/168

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J’étais tellement saoule en montant en chemin de fer, que je ne me rappelle plus la couleur des compartiments. Je venais d’une maison et on m’a versée dans une autre maison ; puis, un cousin à moi, un parent, m’a retirée pour me mettre en chambre, dans mes meubles, et… voilà. (Elle reprend soucieuse :) Oui, je crois que c’est d’Auvergne, parce que j’ai été nourrie à la campagne chez une fille-mère en service, seulement, il y a eu des manigances rapport aux papiers. La police garde tout ça.

Elle se tait, les lèvres mordues.

J’ose lui demander, plus bas :

— Te rappelles-tu ton premier amant ?

Elle répond, l’œil un peu étonné :

— Non.

— Tu bois beaucoup, Reine, dans… ta profession, cela te fera mal.

— Je bois beaucoup, mais je ne me saoule jamais, il m’en faut trop. Maintenant, y a des types qui… (elle s’arrête).

Elle étire ses gants, s’arrange les ongles avec soin. Ses mouvements sont souples et brusques. Elle a des mains larges de paumes et longues de doigts, mais très fines du poi-