Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/177

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Il s’agit seulement de hâleurs qui passent un bateau rempli de fumier. Reine les suit des yeux.

— Ça t’amuse donc bien les hommes nus ?

— Ceux-là sont solides, tu sais. (Elle baisse la tête, sournoisement.) Vous me prêterez un livre, n’est-ce pas ?

— Oui, et ça t’embêtera ferme, je t’en préviens.

— Vous racontez des histoires de femmes, d’amour… il y a celle de votre ancienne, hein ?

— Il y a tout excepté toi, ma chère. Marchons plus vite.

La vue de ces torses de hâleurs m’a un peu troublé. J’ai la tête lourde. Il me semble que j’ai bu quelque chose.

J’essaye de lui faire dire son histoire à elle.

Je m’aperçois qu’elle n’a pas de souvenirs, pas de mémoire. Tout est au présent.

Elle a été battue peut-être étant petite fille, battue ou trop aimée, elle ne sait plus très bien. Elle a vécu dans une usine et connu des métiers fatigants, ajoute ceci, d’un ton calme :