Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

me faisait m’agenouiller sur un pouf de damas bleu que je vois d’ici, un pouf orné d’une levrette héraldique arrondissant une patte en queue de cruche autour d’un blason naïf. Là, je disais, mains jointes et paupières baissées, de ferventes prières et je récitais les commandements de Dieu. Durant ces exercices, ma tante s’habillait, se frisait, tirait ses jarretières de son petit geste sournois. Elle n’était pas jolie, seulement douée d’un charme diabolique, avec une figure zigzagant en rictus passionnés, des yeux de braise, une chevelure miraculeuse. Elle possédait une fille très laide, un peu bossue, qu’elle destinait à une prise de voile et qui préféra épouser un juif. (Encore un scandale de famille ! Le sentiment de la dignité étant toujours très vif, chez nous, ma tante songe à la déshériter de la quotité disponible à cause de cette… mésalliance.)

Mon oncle mourut en jouant aux cartes, d’une congestion, après un bon dîner.

Cette fin subite impressionna et exalta terriblement la nerveuse dévote qui voulut m’apprendre à jeûner dès ma dixième année.