Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/268

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Quand elle a fini, j’essuie ses lèvres, si elle daigne les tendre aux miennes, sauvage liqueur qui fermente en mon cerveau et me fait tituber dans les rues de Paris au sortir de mon orient mystérieux.

Je tomberai, un jour, consumé par ma passion pour cet étrange alcool, et personne ne saura pourquoi.

Morphine, éther, haschich ou opium, je verse tout sur la coupe de corail de ses lèvres mortes, et cela fait beaucoup de poisons en un seul.

Elle retombe dans les coussins et elle joue avec son pied. Elle est si souple qu’on peut la tenir toute ployée entre ses bras comme un morceau de satin, et elle prend, tout-à-coup, la rigidité et la froideur d’un morceau d’ivoire. Elle devient un objet chinois curieusement poli, comme un objet chinois qui sent le vétiver, la poussière, le musc, le santal, les roses blanches, les roses mortes, et elle ne se parfume point.

Elle sent aussi… la sève humaine que tous les hommes lui ont donnée pour s’en vernir affreusement, et elle en est plus brillante, plus objet d’art, plus morte.