Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/30

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Je me rends compte que ce que je vois est naturel, mais je n’en suis pas bien sûr.

Elle est maigre, peut avoir vingt-trois ans, ou moins. Son épiderme est d’une finesse extrême, d’une transparence d’ivoire. Elle est blanche à la manière d’un objet chinois. Je voudrais d’autres comparaisons, je n’en réussirais aucune. Un objet chinois poli par des caresses effroyables. Les seins, très petits, un peu rentrés, ont un pli de satin qui baigne mes regards dans du lait. (Mon étoile coule-t-elle un nouveau rayon jusqu’à moi ?) La taille est mince, fuyante, une taille de gamine dressée pour sauter le ruisseau. On voit les côtes, un peu, sous la chair. Le bras est merveilleusement attaché, ferme, et l’épaule fuit comme une onde. Du creux de l’estomac au menton, c’est une enfant triste, anguleuse, souffrante et jolie. Du menton aux cheveux, c’est toute la royauté d’une vieille reine cruelle qui revient de l’exil. Le fard ne dissimule pas le ton d’ivoire mort du teint, le bistre ajouté des yeux ne leur ajoute pas d’ombre, et entre les dents aiguës brille comme du sang sa lèvre qu’elle ronge impatientée.