Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/33

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une bête rare et féroce de qui je ne peux attendre que des morsures si elle ouvre la bouche. Serrée… et si loin que nous ne pouvons plus mesurer nos terreurs mutuelles.

Je m’amuse. Elle s’ennuie. Je l’empêche de parler. Elle m’empêche d’agir et de notre silence, quand je me tais à mon tour, monte tout le désespoir de ne pas nous entendre. C’est intolérable. Je la contemple éperdument, je la respire, je la bois, c’est moi qui finis par me griser pour de bon.

Oh ! le masque de Cléopâtre derrière lequel me guettent les véritables yeux de la véritable reine ! Ce nez droit, court, cette bouche sévère et dure, bouche royale qui ordonne ingénument sans savoir qu’on peut prier. Des générations d’hommes ont agonisé sur cette bouche sans en obtenir l’aveu du plaisir. Est-ce bien sur elle qu’on a coupé des têtes qui l’ont rougie de tout le sang du dernier spasme ? Et eut-elle jamais du plaisir cette bouche volontaire, frémissante de la seule passion de vaincre ou de tuer, douloureuse à force d’avoir sucé la vie et la douleur des créatures… et pure entre