Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

étais la reine ? Mais, j’y pense : as-tu faim ?

Les yeux se rouvrent, immenses, effarés, colères, superbes. La bouche frémit.

— Tais-toi ! Tais-toi ! Un louis pour ne rien dire ! Tous les louis que tu voudras à la condition que tu ne prononceras plus un mot. J’en ai trop entendu, là-bas, sur le boulevard. Remets ce corsage. Il m’amuse ; ce dessin naïf imitant la cuirasse, sa cuirasse bossuée de gemmes précieuses et reproduisant les hiéroglyphes sacrés me fait plaisir à toucher. Tu ne sais pas ce que tu as sur la poitrine. Tu portes les décorations de l’Éros antique, de l’Éros égyptien au monstrueux phallus doré, à la gorge de bayadère. Et puis, regarde-moi encore de tout tes yeux. Je ne te ferai point de mal. Pour la première fois et, sans doute, la dernière, un homme t’aura respectée. C’est un genre de honte que je veux te faire boire jusqu’à t’en griser. Comprends-tu le français, étrange fille ?

Grâce à son habitude de la soumission, elle ne répond pas. Elle a compris : plus elle se taira et plus elle ensorcellera le client.

J’ai la sensation de tenir serrée contre moi