Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/98

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mais je dois lui faire une paire d’yeux fixes très réussis.

Un silence relativement mortel.

— Oui, Rogès, reprend Noisey de son ton amical, humblement. Je vous scandalise et je vais m’expliquer. Nous sommes seuls, vous avez le temps, et, je vous le répète, j’ai toute confiance en vous. (Il fume.) Écoutez-moi bien : j’ai épousé une petite pensionnaire, naïve, gamine, elle avait seize ans quand nous nous sommes mariés — et elle est, aujourd’hui, à vingt-quatre ans, aussi gamine que le jour de son mariage. Je sais qu’elle m’aime bien, je ne le mentionne pas par fatuité… non, elle me l’a prouvé maintes fois, mais elle est sentimentale en diable e c’est là le défaut de sa cuirasse. Je ne me dissimule pas que je ne suis pas toujours son rêve. Je suis positif, hélas, autant qu’un bon mari peut l’être, et je l’aime, de mon côté, sans rester dans les nuages. Elle a des idées de pensionnaire, de fleurs bleues, de fantômes et d’amour éternel qui sont absurdes, lui font trouver que la soupe c’est toujours de la soupe. Ah ! la femme est un ressort bien délicat, on a vite fait de tout fausser rien