Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/104

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— Pourquoi ?

— Je vous l’expliquerai tout à l’heure. Déjeunons d’abord, dites, je vous en prie ? J’étais si heureuse de vous sentir près de moi et vous vous éloignez…

— Soit, déjeunons… parlons de la pluie, du beau temps… parlons de tout excepté d’amour, alors !

Ils s’assirent, chacun de leur côté.

Éliante découvrit une jatte d’argent où tremblaient des œufs sur une purée odorante.

— Aimez-vous cela, mon petit ami chéri ? Ce sont des œufs frais.

— Je vois bien, dit Léon haussant les épaules, des œufs frais fort ingénus, des œufs de mère poule sur la purée de ma cervelle bouillie, car je commence à devenir fou… oui, j’aime cela ; se dévorer soi-même, faute de mieux, est un passe-temps.

Elle lui offrit les mignonnes petites salières.

— Safran ou cumin ?

— Nature ! dit-il brusquement en tordant sa serviette.

Ils mangèrent.

— Léon, demanda-t-elle, de sa voix affectueuse, qui êtes-vous ? Moi, je ne vous connais pas. Je vous rencontre seulement.

— Je ne suis personne. S’il vous agrée cepen-