Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/196

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Ninaude, ma vieille négresse, couchée en rond par terre, se mettait à ronfler de temps en temps pour me dire que tout était tranquille, que tout serait muet, même son dévouement, si je voulais sortir et tenter la fuite vers l’inconnu.

Je regardais paresseusement le ciel bleu, les roses et la peau noire de Ninaude. Je me souviens que ça luisait de graisse sous son cou, à l’endroit où elle arrangeait son madras comme les robes de Mada. (Elle le croyait, la pauvre, elle m’aimait et voulait imiter tout ce que je faisais.) Ninaude avait la manie de se décolleter en danseuse espagnole, parce qu’elle m’avait vue danser, un soir, dans un carnaval extraordinaire, alors… (oui ! la lettre, j’y reviens, ne l’impatiente pas, c’est le souvenir de tout cela qui est la lettre en question), alors, je prenais la plume, en regardant dormir Ninaude, je la trempais dans un bel encrier d’or qu’on m’avait offert exprès pour écrire cette lettre. Les idées ne venaient pas. J’aurais tant voulu m’endormir sur mon papier, un si joli papier vert pâle, à mon chiffre de nouvelle mariée. Et je ne trouvais rien.

Je me dis : Il faut que je pense à mon mari ! Je me mis à penser des tas de choses drôles tout de suite. C’est étonnant comme cela