Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme un ressort détendu, elle dépassa la toile verte posée sur le tapis.

— Ma tante, cria Missie, révoltée intérieurement parce que les seins de Mme Donalger étaient vraiment un peu trop à l’air, et que Léon, au lieu de se scandaliser, demeurait décidément en extase, dégrisé ou plus ivre que jamais ; ma tante, vous allez attraper une entorse !

Éliante souriait, ne s’occupant plus de la terre. Elle dansait pour elle, dans un enfer qu’elle connaissait bien, et ne redoutait pas les obstacles.

Louise Fréhel, jouant, debout, devant son piano, la regardait avec l’effroi d’une artiste qui constate une chose rare.

Sur un dernier accord, elle fit un signe imperceptible à Léon ; celui-ci se leva et vint à elle, très inquiet.

— Jetez-lui le châle sur lequel vous êtes étendu. Ça va être fini, et il ne faut pas qu’elle rate ce tableau-là. Missie a oublié le châle.

Passivement, Léon ramassa au hasard un grand burnous noir lamé d’or.

— Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ? demanda-t-il tout bas à Missie.

— Jetez… n’importe comment ! Il est vraiment temps qu’elle se couvre, elle a trop l’air d’une saltimbanque.