Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/304

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Léon se rapprocha, mais il avait très peur.

Éliante saisit l’extrémité du burnous et, d’un seul tour sur elle-même, s’en enveloppa, le poing posé sur la hanche, faisant saillir sous le voile noir une ligne droite, rigide, en barre de fer.

— Ah ! chérie ! chérie ! criait Mlle Fréhel. Et elle vint se jeter follement à son cou. C’est l’Espagne… c’est la vraie !…

— Oui… l’Espagne ! répéta Léon, l’air d’un chien battu.

— Ma tante, c’est horrible ! Des danseuses pareilles, faudrait les tuer.

Éliante s’enfuit dans la coulisse des paravents, en éclatant d’un rire maladif.

— Madame Donalger, cria Louise Fréhel, ne l’écoutez pas… c’est une gamine qui ne sait pas ce que c’est.

— Nous allons tuer la danseuse ! répondit la voix lointaine de Mme Donalger.

Il y eut une seconde de réelle angoisse.

Elle rentra, et ils poussèrent un cri. Elle tenait un pot de fard, qu’elle avait répandu tout entier sur le devant de son costume. Cela formait une écharpe torrentielle d’un rouge obscur partant de la ceinture jusqu’aux franges en chenilles, et de ses deux doigts trempés au fond du pot elle creusa sa gorge, les promena