Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/38

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Éliante écarta une tenture verte, fuyante dans les mains comme un feuillage mouvant.

Ils passèrent au salon.

C’était un boudoir tendu de crépon vieux rose, une étoffe floue, tout enguirlandée, à la Louis XVI, de bengales en verre de Venise, qui s’illuminèrent dès qu’ils eurent franchi le seuil. Les meubles semblaient de fragiles choses également en cristal. Parmi les bibelots étranges de complication japonaise ou de tourment chinois, il y avait un admirable objet d’art placé au milieu de la pièce sur un socle de peluche vieux rose, comme sur un autel ; un vase d’albâtre de la hauteur d’un homme, si svelte, si élancé, si délicieusement troublant avec ses hanches d’éphèbe, d’une apparence tellement humaine, bien qu’il n’eût que la forme traditionnelle de l’amphore, qu’on en demeurait un peu interdit. Le pied, très étroit, lisse comme une hampe de jacinthe, surgissait d’une base plate et ovale, se fuselait en montant, se renflait, atteignait, à mi-corps, les dimensions de deux belles jeunes cuisses hermétiquement jointes et s’effilait vers le col, avec là, dans Je creux de la gorge, un bourrelet d’albâtre luisant comme un pli de chair grasse, et plus haut, cela s’épanouissait, s’ouvrait en corolle de liseron blanc, pur, pâle, presque aromal, tant la