Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/39

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matière blanche, unie, d’une transparence laiteuse, avait la sincérité de la vie. Ce col s’évasant en corolle faisait songer à une tête absente, une tête coupée ou portée sur d’autres épaules que celles de l’amphore.

— Quelle merveille ! s’écria Léon, absolument séduit par cette apparition de l’adorable chasteté de la ligne.

— N’est-ce pas que c’est beau ! N’est-ce pas qu’il est beau, reprit Éliante fiévreusement. Ah ! Il est unique. On ne peut rien concevoir de plus charmant. C’est à croire, quand la lumière le transperce obliquement, qu’une âme l’habite, que brûle un cœur dans cette urne d’albâtre ! Vous me parliez de plaisir ? Ceci est bien autre chose ! C’est de l’amour en puissance dans une matière inconnue, la folie de la volupté muette. Il ne dira jamais rien. Il est très vieux, il a des siècles, il est resté jeune parce qu’il n’a jamais crié son secret à personne. (Elle vint enrouler ses bras noirs autour du col de l’amphore.) Regardez bien, et lâchez donc de voir un moment… par mes yeux ! Venez toucher cela. Je vous le permets… Allez tout doucement, une caresse trop appuyée le ternirait (Elle s’empara de la main du jeune homme et la promena avec précaution sur la blancheur ingénue du vase,