Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/100

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de vin. Et elle se portait bien, ignorant les indigestions et les griseries sucrées ; cependant, comme l’humanité est ainsi faite, elle réservait toutes les folies sensuelles pour plus tard, et son esprit devait faire payer cher à son corps sa précoce gravité.

Elle mangea le fond du pot, but de l’anisette, puis le capitaine la fit asseoir sur ses genoux.

— Je crois, dit-il gaiement, que ce petit gésier ne fonctionne pas mal… nous allons maintenant passer à d’autres exercices.

Messieurs et Mesdames, je vous annonce il signor Polichinelle ! » ajouta-t-il d’une voix tellement aiguë qu’elle semblait partir de la chambre voisine. Mary effrayée se réfugia dans les jupes de madame Corcette. Aussitôt, avec un annuaire, deux bouchons de lampe et une écharpe algérienne, il fabriqua un théâtre, des acteurs, un rideau. Mary demeurait muette d’étonnement. Il y avait donc, au monde, un homme qui amusait les petites filles ?… De ce jour elle eut un goût prononcé pour les baladins tout en réservant son appréciation au sujet de leur morale !… La représentation dura une heure. Madame Corcette donnait la réplique, et Mary, assise entre eux, se tournait tantôt d’un côté tantôt de l’autre, essayant de saisir le moment où leurs bouches remuaient, ne comprenant rien à leurs intonations. Ensuite, madame Corcette lui habilla une poupée avec du papier de couleur et des cartes de visite, c’était fantastique.

Et les deux époux riaient plus fort qu’elle, se lan-