Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/18

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En se retournant sur le chemin des abattoirs, on voyait la ville de Clermont s’épandre jusqu’à Royat. Au delà de Royat, dans un horizon brouillé, parce qu’il faisait chaud, s’élevait le Puy de Dôme qui, le soir, devenait bleu, d’un bleu sombre à donner des terreurs vagues aux petits enfants pensifs.

Mary, le bras passé autour du cou de la cousine Tulotte, se demandait comment on peut se promener sur une montagne sans toucher le ciel du front. Elle savait très bien que cela s’appelait le Puy de Dôme, que la ville était Clermont-Ferrand et que, parmi toutes ces maisons, il y en avait une appartenant à son père le colonel, mais la promenade, sur une montagne, ne pouvait encore s’expliquer clairement. Elle revenait à ce sujet mystérieux avec insistance.

— Tulotte… nous irons bientôt, dis ?

— Au Puy de Dôme !… Tu es folle, ma pauvre petite… Il y a des loups, et puis ton père ne veut pas.

— Et maman ?

— Ta maman est trop malade pour vouloir quelque chose qui te rendrait malade aussi !

— On ne va jamais où je veux ! murmura Mary, après un silence.

— Parce que tu veux des bêtises.

Et Tulotte, fatiguée de la porter, la laissa glisser vivement par terre.

Tout le merveilleux panorama de la ville disparut pour Mary comme une image qu’on lui aurait retirée