Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/23

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la scène, suivait avec intérêt les préparatifs de l’opération.

Il lui en fallait pour cinquante centimes et elle trouvait drôle de voir abattre tout un bœuf pour la goutte de ce lait qui lui était utile. Durant la première semaine du traitement on avait envoyé la cuisinière, une fille mal dressée ; elle s’était amusée à causer une heure chaque fois avec le boucher. Il y avait eu même, prétendaient les ordonnances, un début d’intrigue entre elle et le principal garçon de l’abattoir.

Ces garçons d’abattoir sont, en général, fort délurés.

Puis on avait envoyé un soldat qui avait rapporté un liquide tellement vieux que la malade n’en aurait jamais pu soutenir la vue.

Alors, Mademoiselle Tulotte, malgré sa dignité de parente pauvre, se décidait à venir en personne lorsqu’elle promenait son élève.

Mary voulait savoir une bonne fois ce que c’était que ce lait dont elle ne buvait pas et que sa mère aimait. Elle laissa là les petits veaux en pleurs, les brebis butées contre leur propre laine, les porcs si gras qu’ils ne remuaient plus.

Elle sauta le ruisseau et se glissa jusqu’à ce trou sinistre de l’abattoir. Tulotte, sa figure maigre tendue vers le bœuf, ne se doutait de rien. La petite mit les mains derrière son dos. Qu’allait-il donc arriver à ce gros animal docile ?… Est-ce qu’il voulait leur donner des coups de cornes, par hasard ? Mary