Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/22

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Mary, sa jupe bien serrée contre ses mollets nerveux, dévorait le spectacle de ses prunelles dilatées.

Parfois elle avançait un peu, prête à toucher un animal, et une inquiétude la saisissait à la vue de leurs airs de désespoirs navrants. Les plus petits veaux gémissaient d’une voix si chevrotante qu’elle les croyait être des enfants, semblables à elle.

La cousine Tulotte, roide et calme, les regardait d’un œil impassible, ne s’occupant que de relever sa robe de soie brune dont les cercles de crinoline s’embarrassaient aux pieux disséminés.

— Ne t’approche pas de la porte, fit-elle, désignant à la petite fille l’entrée sombre de la boucherie.

Cependant elle se dirigea elle-même de ce côté avec sa boîte de fer-blanc.

On allait saigner un énorme bœuf. L’animal, pris par les flancs entre de larges courroies de cuir, avait le mufle comprimé dans une muselière, ses genoux se repliaient, son front se baissait, ses yeux saillaient, gros comme des œufs, et on apercevait le blanc, tout livide au sein de la pénombre obscure de ce charnier.

Le boucher velu tenait le maillet, un de ses aides avait le long couteau rond et le seau de cuivre. Un silence régnait, profond, dans cette salle carrelée qui ne recevait de jour que par la porte. Seul le bourdonnement monotone des mouches courait le long des murs. La cousine Tulotte, debout devant