Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/26

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crois que c’est un fameux remède pour la poitrine. D’ailleurs, j’en boirais par plaisir… oui, un verre plein, mais il faudrait parier une bouteille… car on a besoin de s’ôter le goût !…

— Pauvre bête ! murmura la cousine Tulotte, peu sensible de sa nature et cependant impressionnée, malgré sa sécheresse de vieille fille.

— Mon Dieu ! cria le garçon qui venait du hangar amenant un mouton, la petite demoiselle est tombée !

Tulotte se retourna. Son élève était, en effet, par terre, les jambes dans le ruisseau fétide, le cou roidi, les poignets crispés et la face blême, au milieu des ruches de tulle de sa jolie capote. Elle n’avait pas dit un mot, pas poussé un cri, pas fait une tentative pour s’enfuir. Du même coup de massue, elle paraissait tuée, offrant sa gorge d’agneau délicat aux couteaux meurtriers de ces hommes.

— Sacré nom d’un âne ! grommela le boucher, elle a voulu voir, cette petite, et ça lui aura troublé sa digestion. Allez donc chercher du vinaigre à la cuisine, Jean !

— Son père va me gronder ferme !… dit Tulotte, en emportant très vite ce petit corps tordu.

On frotta les tempes de Mary et on lui frappa dans les mains ; ces bouchers, abandonnant leur tuerie, étaient tout anxieux, regrettant de ne pas avoir prévu sa désobéissance. Elle regardait les veaux, elle jouait avec eux ! Pourquoi diable était-elle entrée pendant l’opération ?