Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/34

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printemps ne s’accommodaient guère d’une appellation de tante, était traitée de cousine par toute la maison. Elle fit un imperceptible signe de reproche à l’adresse de Mary, signifiant : « Tu me le payeras. »

Et elle répliqua, très indifférente :

— Je ne sais… la petite est curieuse… elle a ouvert ma boîte ; du reste, je ne comprends pas pourquoi on lui cache ces choses-là. Une fille de militaire… tiens !…

Ce disant, elle versa dans une tasse de porcelaine le liquide rouge, un peu épais, encore chaud, ressemblant à du jus de groseille. Le colonel repoussa sa fille qui mettait ses mains sur son pantalon de coutil blanc, irréprochable ; il avait l’horreur des taches.

— Tu es mal élevée, tu es mal débarbouillée… Ah ! si tu étais un garçon, au moins ! comme je te ferais rentrer dans le rang… toi ! dit-il, n’osant pas éclater contre sa femme.

Mary aurait voulu raconter son histoire, car elle avait déjà oublié la recommandation de Tulotte, elle se sentait pleine de son sujet, elle avait la cervelle encore congestionnée et il lui fallait un exutoire.

— Maman… je t’en prie… c’est une vache qui est un bœuf, l’homme a son tablier très sale… il…

— Tais-toi ! dit une seconde fois Caroline en trempant ses lèvres pâlies dans le sinistre breuvage.

Alors, Tulotte se retira triomphante tandis que Mary prenait un petit tabouret de paille et s’asseyait aux pieds de la chaise. Maintenant, la mère avait la