Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/33

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sont mal pansés, on ne brosse pas tes habits le matin, et, dès que je mets le pied à la cuisine, je trouve Estelle en train de lever le premier bouillon pour ces garçons-là, je n’ai que de l’eau, moi… C’est un assassinat dont tu ne te douteras que lorsque je serai morte !

Le colonel, anxieux et rageur, parcourait la chambre de sa femme comme un ours qui tourne dans une cage.

Après tout, il était possible vraiment que le voisinage de ce cimetière lui fût désagréable, peut-être cela sentait-il par les jours d’orage le… moisi, mais ces garçons qui prenaient tout son bouillon de poulet pendant qu’ils faisaient leur cour à Estelle lui semblait une exagération ridicule. S’il devait punir, il punirait, seulement dans le service… Et ses boutons luisaient, ses chevaux luisaient ; il n’était pas aveugle, sans doute !

Mary fit une irruption plus bruyante que de coutume. Elle bondit jusqu’aux bottes de son père en s’écriant :

— Papa… j’ai vu la vache, elle avait de grosses cornes… elle était méchante, on lui a fait mal, elle a saigné… Papa, je ne veux plus aller chercher le sang.

— Tais-toi, ne crie pas si fort… Qu’as-tu donc aujourd’hui ? fit Caroline se soulevant de sa chaise longue et faisant des gestes de terreur. Cousine, elle est folle ?

Mademoiselle Juliette Barbe, dont les quarante