Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/43

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pas l’eau, ni la fleur d’orange. Je suis une petite fille très sage, je monterai sur un grand cheval pour aller consoler le veau qui pleure, les pattes attachées, là-bas dans les abattoirs. J’irai « sur le Puy de Dôme ». « Madame à sa tour monte… Madame à sa tour monte ! si haut qu’elle peut monter ! »… Oui ! Minoute, nous irons sur la grande montagne, nous aussi, tu auras un bonnet de dentelles et moi j’aurai ta queue de soie jaune !… De là-haut nous verrons passer le régiment, les pantalons rouges qui feront la guerre. Oh ! si l’homme revient, nous le tuerons… parce qu’il a tué le bœuf… le bœuf du petit Jésus… tu le grifferas… nous le grifferons !… l’homme !… l’homme !… »

La cousine Tulotte ne savait plus que faire en présence de ce mal. Saisie d’un vague remords, elle prévint le colonel qui s’était endormi sur ses rapports, cette nuit-là. Le père, inquiet, examina le cas, tourmentant son impériale un peu hérissée.

— De jolis enfants que nous font les femmes sentimentales ! grogna-t-il.

— Une fille de militaire ! ajouta Tulotte dont cette phrase était la locution favorite.

— Et elle n’est pas malade, hein ? Elle n’a rien de dérangé ?…

— Non !… rien… elle rêve !… Quel malheur que ce ne soit pas un garçon.

Le colonel fit un geste de dépit. Oh ! c’était un vrai désespoir, cela… Un garçon, il l’aurait élevé à lui tout seul, d’une manière solide, la cravache à la