Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/44

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main. Certes, il aimait tendrement sa petite fille… cependant…

— Tu comprends, ma pauvre sœur, Caroline est molle, sans volonté, sans force… elle a une horreur continuelle de ce cimetière qui est là, derrière nous… puis elle parle de la bonne, d’Estelle ! J’ai peur d’avoir fait une bêtise, elle redevient capricieuse comme une femme enceinte ! Vois-tu, Juliotte, si je n’étais pas à la tête de tout, je crois que je ficherais mon camp. Je suis maussade… je bouscule mes officiers… je n’ose plus les inviter à boire ici… Tonnerre de Dieu !… je n’aurais jamais dû me marier… et pour avoir un avorton de fille !…

— Je te l’ai bien dit ! répliqua Tulotte aigrement, elle n’avait pas de dot, pas de santé… et des parents si pleurards !… Tu n’as pas écouté l’aîné, notre Antoine, est-ce qu’il se marie, lui ?… et il a cinquante ans !… Avec ta solde, nous aurions vécu très heureux, comme jadis… Est-ce que j’ai besoin d’une direction pour emballer la vaisselle quand on a l’ordre de départ ? Est-ce que je ne dirigeais pas mieux nos bonnes ?… Tout va mal !… et c’est de ta faute !

Ils causaient à voix basse devant le petit lit.

Mary continuait ses mouvements désordonnés, crispant les poings et appelant la chatte.

— Allons ! fais-moi des reproches, à présent, s’exclama le colonel, c’est de ma faute !… Si tu devenais plus douce, toi aussi !… mais non !… tu irrites toutes les situations !… Tu as une figure revêche qui ne peut