Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/68

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rents aux petits rideaux de guipure. On ne savait quelle odeur de moisi régnait le long des murailles reliées d’un papier directoire à scènes mythologiques du plus piteux effet. Ces scènes avaient çà et là des taches bleues, rouges, oranges, inexplicables, rondes comme des pains à cacheter. Un grand Christ d’ivoire sur un ovale de velours pendait à droite de la cheminée. Pas de fauteuils, des chaises de paille et un canapé à becs de cane, ignoblement droit.

Le colonel tirait sa moustache et ses yeux cruels de bonhomme qui s’ennuie ferme jetaient des éclairs terribles. Soudain la « vieille machine » du planton fit son apparition par une fausse porte. Daniel Barbe sentit comme une douche d’eau de puits lui couler le long du dos. Elle était grande, grande, bien plus que Tulotte, d’une blancheur de cire, le nez mince, les prunelles voilées d’une taie singulière, la bouche toujours mordue par une dent qui avançait. Peut-être très belle pour un cinquième acte de drame, mais épouvantable pour une femme vivante, et elle était vêtue d’orléans noir à plis pressés contre sa taille de déesse irritée.

Le colonel avait fait des campagnes certes moins pénibles que celle-là !

— Madame !… balbutia-t-il.

— Monsieur, répondit doucement l’apparition, je suis demoiselle… la dernière des Parnier de Cernogand !… tous gens de robe, de la meilleure noblesse du pays. J’ai un appartement à louer,