Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/73

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de ne jamais la retrouver parmi ces belles choses.

Un mois s’écoula dans une mortelle tristesse. Le colonel allait au café pour ne pas entendre les reproches désolés de Caroline ; Estelle, claquemurée par des jours pluvieux au fond d’une cour entourée de maisons à persiennes closes, agonisait. Les ordonnances, une fois leur pansage terminé, se sauvaient. Tulotte surveillait Mary qui, elle, surveillait sa chatte.

Quant à la propriétaire, on ne la voyait pas plus que Dieu, elle s’enfermait dans un impénétrable mystère. Clémentine ne parlait pas à la cuisinière du colonel, et l’intendant, un grand monsieur noir, sournois, un sacristain, ne s’aventurait que rarement vers le rez-de-chaussée. On avait cessé le traitement du beau-frère docteur, Antoine-Célestin Barbe, le savant, parce que les abattoirs étaient trop loin et que la peur effroyable de montrer ce sang à une propriétaire dévote empêchait Caroline de continuer. Caroline maintenant regrettait le cimetière de Clermont, elle en causait chaque soir à table, répétant qu’ici c’était une tombe sans arbre, la pire des tombes.

Tout le régiment connaissait l’histoire, on avait applaudi le colonel. « De la poigne, le colonel ! Hein ! faisait Jacquiat, vous a-t-il attrapé la vieille sainte n’y-touche ?… »

Madame Corcette, installée dans une ancienne guinguette, hors des murs, enviait madame Barbe, et Caroline, gardant la dignité de leur situation,