Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/74

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lui assurait que son logement était des plus confortables.

Un soir, Daniel, las de leur lampe lugubre qui éclairait à peine les quatre coins du salon, fit venir ses officiers et alluma carrément des paquets de bougie à son chiffre.

Ce fut un éblouissement fantastique. De Courtoisier jeta son képi en l’air, Jacquiat s’effondra dans un fauteuil, Pagosson eut peur, Zaruski grimpa sur un escabeau, Corcette, Marescut poussèrent des « Oh ! mon colonel ! » étouffés.

Ils étaient bien dans le plus splendide décor que l’on pût rêver ! Les panneaux du salon étaient couverts de panoplies arabes, le lustre en cristal de Venise, qu’on s’était donné la peine de nettoyer, lançait des fusées éblouissantes. Une sainte de marbre blanc se dressait dans un coin, sous une draperie à fleurs de lys représentant une chasse de François Ier. Un bahut Henri II, à portiques en arêtes vives contrariées et rehaussées de filets d’ébène, occupait l’entre-fenêtre, les rideaux de brocatelle de soie retombaient le long des chambranles de toutes les portes, des flots de vieilles étoffes pompadour ou directoire cascadaient du haut des corniches, le plafond était peint de sujets libres d’une finesse exquise, Adonis et Vénus, des amours voltigeaient dans un essor fou. Un orgue aux tuyaux argentés faisait face à une crédence Louis XVI laquée de vernis blanc, tout enguirlandée de roses d’or, et à chaque bout d’une cheminée, portée par des cariatides de bronze