Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/77

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elle avait elle-même déménagé toute la chambre de sa belle-sœur pour tendre l’éternelle tenture bleue. Tout ça c’était des puces, du moisi, de la poussière, des ordures, une ratière, quoi !… Elle emporta Mary brusquement tandis que la chatte fuyait derrière les brocarts. On passa la nuit, chez le colonel, à visiter les armoires selon la hiérarchie : le colonel, armé d’un flambeau, désignait d’abord les coins les plus riches, puis venaient le lieutenant-colonel sincèrement ému, le chef d’escadron, les capitaines, les lieutenants. On brandissait des trouvailles étonnantes telles qu’une Léda d’ivoire renversée sous un cygne polisson, un ostensoir de vermeil dans le milieu duquel étincelait, comme un joyau, un médaillon de femme. De Courtoisier fourrait sa tête sous les tables, à quatre pattes dans les tapis.

On eût dit, à les voir de sang-froid, le sac d’un château princier durant une guerre ! Ces braves hussards, ils finissaient par ne plus craindre leur colonel.

Mary dormait depuis longtemps lorsque sa porte s’ouvrit, livrant passage aux officiers en maraude, qui étaient venus tout droit, ne se doutant plus qu’il y avait des chambres occupées. Ils tenaient chacun un chandelier, à la file, les yeux écarquillés, le nez levé ; de Courtoisier s’était coiffé d’un fez brodé de perles, Jacquiat drapait sa grosse panse d’une écharpe de bayadère et Pagosson émergeait d’une cuirasse rongée de rouille. Le punch aidant, ils titubaient un peu, le dolman déboutonné. La