Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/104

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attaché à la même chaîne, et on ne se connaissait pas, on ne se comprenait pas. Les choses qu’on se disait n’avaient pas le sens humain. On mangeait le même pain, on buvait le même cidre et on ne s’offrait pas le rhum de l’amitié : chacun le gardait jalousement pour soi (car j’avais acheté du bon tafia, moi aussi, histoire de guérir mes coliques de moules).

Je pensais au camarade mort d’accident, péri d’ennui, peut-être, par une soirée pareille, au bout de cinq ou six ans… d’exercice. En arrangeant la grue d’arrimage ou en raccommodant l’armature, une nuit de grosse tempête, sans doute qu’il était chu de là-haut, et avait rebondi sur l’esplanade le front fracassé… à moins…

— Dites donc, l’ancien, que je murmurai du ton d’un qui fait la bête, c’est-y intéressant le livre que vous lisez ?

Le vieux leva les yeux.

— C’est un beau livre, qu’il me répondit, mais on a de la peine à s’y retrouver une fois qu’on a perdu le fil.