Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/147

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naître, moi l’exilé. Je le respirais… comme on

écouterait Dieu.

La patronne me servit du cidre, trottina, ouvrit les portes. Je sentis des odeurs d’étable. Il y avait une vache pas loin et la vieille, s’en allant tout à fait, puisque je ne lui causais plus, se remit à traire, me laissant admirer son bouquet.

Quel jour de noce !

Je m’assoupissais tout doucement, saisi d’un invincible besoin de me reposer, de ne plus ni parler ni boire, les jambes déjà molles d’avoir marché une ou deux lieues, les bras gourds, l’oreille bourdonnante, quand je fus éveillé par un rire jeune. Quelqu’un qui se moquait de moi. Pour ma bonne contenance, je pris le lilas et je le respirai de nouveau.

— Ben, faut pas vous gêner. Cassez-en donc un brin ! Y coûte pas cher, à c’te heure.

Je me retournai comme un voleur honteux, et mes yeux rencontrèrent deux yeux de femme dans lesquels ils tombèrent.