Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/22

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Moi, je bavardais tout mon saoul. Je me pavanais avec mon baluchon serré autour de ma ceinture, mes hardes, mes papiers, mes livres, tous mes objets précieux. Je parlais tout seul, répétant que les Chinois avaient de gros ventres, parce qu’ils mangeaient trop de riz. L’aide-chauffeur m’écoutait, hochant la tête, très attentionné aux commandements d’en haut.

Personne, je m’en souviens, ne riait des plaisanteries que je risquais sur mon ventre plat ou ceux bombés des Chinois.

Je me rappelle même que le maître chauffeur m’arrêta une fois d’un geste en se penchant sur ses machines.

Il dit, une autre fois, entre ses dents :

— Il a eu de la veine, le Mathurin Barnabas.

Et il échangea un coup d’œil avec son aide.

De quel Mathurin s’agissait-il ? Ma cervelle bouillait, décidément.

À dix heures on arriva sur Ar-Men. Je le sentis, car ça roulait beaucoup. Dans ces endroits, la mer est perpétuellement démontée.