Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/240

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gîte. Je possédais de l’argent, assez d’argent pour boire des consommations de choix, et je bus.

Je choisis un grand café du côté de l’Arsenal, un café très chic où venaient des officiers galonnés.

Je me fourrai derrière un pilier, un beau pilier habillé de velours rouge et couronné par des crampons d’or, histoire de suspendre des chapeaux. Bien respectueusement, j’y accrochai mon béret, puis je sortis ma pipe, je fumai longtemps, face à face avec mon absinthe. Je m’entourai de nuages, et la nuance verte du verre me donnait une impression bizarre : j’étais devant un aquarium rempli d’eau trouble, un visage mélancolique passait derrière les parois opalisées du cristal.

Pour que la vision demeurât plus longtemps sous mes yeux abrutis, je remplissais le verre très souvent. Puis je changeai la nuance de l’eau, je mis des liqueurs groseilles, des eaux-de-vie brunes, des marcs blonds, aussi de temps à autre,