Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/253

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turer les autres, car on l’avait dû faire sombrer trop tôt, un boulet aux chevilles, histoire de s’en débarrasser.

Il fumait, crachotant le long de ses habits tellement sales, tellement déchirés qu’on respirait, près de lui, une odeur affreuse.

Il puait le cimetière.

Moi, je continuais à me tenir propre. (Peut-être bien que je m’aimais encore un brin.) Lui ne s’aimait plus, n’aimait plus ses compagnons, n’aimait plus les noyées. Il guettait seulement la venue de la dernière marée… celle qui apporte le dernier navire pour le dernier voyage entre les quatre planches. Je calculais qu’il pouvait bien avoir la soixantaine.

— Peut-être ben que oui ! Peut-être ben que non ! m’aurait-il répondu, s’il avait su encore parler.

Mais il ne proférait plus que des sons bizarres, des grognements de porc sauvage qu’on ne comprenait guère, s’il ne les accentuait d’un geste.