Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/33

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soit à cause du ton qu’il y mit. Sa voix chantait ou pleurait, on ne savait pas lequel, et il appuyait davantage sur les a en trémolant. On semblait lui arracher ça comme avec des pinces. Je ne pouvais pas rire, parce que je gardais encore de la salure dans l’estomac. J’avais bien failli me noyer durant l’arrimage, et puis je n’en menais plus large, toutes mes réflexions faites.

La nuit montait autour de nous.

Sur mer, la nuit ne vient jamais d’en haut, elle monte des vagues, et on dirait que l’eau devient les nuages, un ciel renversé.

J’étais donc tout chaviré dans l’amertume, et je me sentais très seul, malgré la présence du vieux.

Nous dînions au milieu de la salle à manger du phare d’Ar-Men, une petite pièce basse, ronde, éclairée, le jour, par sa porte voûtée donnant sur l’esplanade, et le soir d’une lampe à pétrole pendue au plafond, un lumignon en chapeau de zinc qui fumait si dru qu’on y voyait