Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/34

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juste ses bouchées. Entre nous il y avait une table de vieux bois dur, la miche était étalée dessus avec du jambon, un pot de cidre et une bouteille de rhum. Point de soupe, puisque point de cuisinière dans la maison. On se nourrissait d’un tas de conserves rancies, dont la marine ne voulait plus, et c’était les sous du vieux qui lui payaient ses boissons de luxe. Nous possédions, en fait de vaisselle, deux gros bols d’étain et deux couteaux à manche de corne. C’était tout du solide. On devinait que le vent n’emporterait point le couvert. Nos escabeaux se rattachaient aux pieds de la table par du filin tordu serré. Aux murs, se collaient le portrait de Napoléon, celui de notre dernier Président, un grand calendrier où toutes les dates de marées étaient plusieurs fois soulignées à l’encre, et, dans un cadre noir, derrière une vitre, le tableau de notre besogne : les heures de gardes, celles de descentes, les tours de veille, de repos, aussi comment on répare la mécanique de la lanterne quand ça vient à se détraquer loin de tous