Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/56

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démêlais des choses que, jusque-là, je n’avais pas entendues.

Le jour, tout marchait normalement : on déjeunait, on fumait une pipe, on astiquait le mobilier ou les ustensiles de service, on dînait, on fumait une pipe, et, le soir venu, on allumait celles du phare. Alors, dès que les lampes commençaient à envoyer leurs bras roses de tous les côtés, ça changeait de note. Si le vent le tolérait, on faisait son petit tour d’esplanade, on s’asseyait un moment sur une dalle, et on attendait son heure de garde, en guettant la première étoile ; seulement, les étoiles ne se montraient pas, le ciel prenait un ton de cuivre rouge, l’eau devenait noire à penser qu’on s’arrimait sur du goudron, et le vertige, un vertige bien singulier, vous montait à la gorge. On croyait filer à toute vapeur.

Notre existence, là-dedans, était un mécanisme réglé d’avance ; on ne pouvait pas s’oublier d’un cran sans casser l’horloge. On tenait la chandelle aux navires, et on se serait allumé