Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/66

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C’était du côté de Malte. On arrivait en barque à voile, une barque à balancier au bout duquel s’attache le bas-bord de la toile. Quand le vent fait pencher ce joujou, la voile mouille et se trempe coquettement l’extrémité de l’aile. Zuléma, c’était le nom de ma petite mauresque, avait bu du tafia toute la nuit, tout le matin, moi aussi, et la barque buvait de la vague à tous les coups de brise.

… Soleil ! Comme nous étions saouls ! Quelle promenade et quel roulis ! Oh ! cela ne ressemblait guère aux rudes assauts de l’océan contre le phare. C’était du bonheur nous berçant. On n’en pouvait plus d’avoir nocé, mais on se mangeait encore des yeux, des mains, des pieds. La mer était si bleue qu’elle en devenait rose aux endroits où le gouvernail la tourmentait, et cette embarcation avait juste la forme d’un sabot, un sabot possédant son plumet, comme nous. Elle allait si raide, si délibérément de travers, que ça ne pouvait que bien finir… tout au fond. Malte ? Je ne voyais plus bien la