Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/78

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les phares de son lit. Le vieux radote. C’est un vieux fou ! Cré nom d’un sort !… voilà mon boute-feu par ici et la première mèche par là… il est vrai que les lampes tournent toutes seules aujourd’hui !

Ce n’était pas possible, le phare étant à feu fixe. Elles ne tournaient pas, je tournais, moi, tantôt du côté de la mer, tantôt du côté du vitrage. Mes jambes fléchissaient, j’avais des crampes à l’estomac. Il me semblait que des ailes de chauve-souris me frôlaient les paupières… enfin, la flamme jaillit de mes doigts fiévreux, se communiqua au cercle des mèches, un petit grésillement se répercuta de mécanisme en mécanisme, les disques se mirent à fonctionner, et les bras roses de la lumière victorieuse repoussèrent l’ombre jusqu’au fond de l’horizon.

Je respirai.

Pas de gros navire en vue, pas de barque de pêche égarée, une mer déserte et presque tranquille. Aucun danger ! Nous ne serions pas signalés à la marine de Brest pour ce coup-là.