Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

marée, la brutale ruée des flots de l’Atlantique arrive dans cette échancrure, entre ces deux piles, et y forme un fleuve furieux qui va, pendant six heures, se déverser dans la mer du Nord, puis redescend vers l’Océan les six heures suivantes.

Ce joli fleuve là, c’est la Manche.

Aux écoles, quand on nous parlait des fréquents naufrages, des barques perdues presque quotidiennement le long de Trévennec, de la Vieille, de Sein, nous regardions cela d’un air philosophique.

— On est tous mortels !

Seulement, ce à quoi nous ne pensions guère, c’est ce que peuvent bien devenir tous les noyés que la vague ne rend pas dans les neuf jours traditionnels (Neuf jours ! C’est le temps de ses relevailles à cette expulseuse d’hommes).

Ils sont mangés par les poissons.

Hum ! Pas tous ! Il y a des endroits où les poissons ne fréquentent pas, le courant rompt leur bande, et ils s’égaillent.