Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/174

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bord des grands fleuves déserts, que leur image de sinistre vierge. Ses pattes de chatte, puissantes et d’apparence puérile, semblaient se mouvoir sur des flocons de duvet. En trois bonds légers elle atteignit le milieu du cirque. Là, s’asseyant, d’un mouvement grave et onduleux, toute autre affaire lui paraissant de moindre importance, y compris l’examen de la loge impériale, elle se lécha le sexe.

Près d’elle, des chrétiens écartelés pendaient à de hautes croix rouges de sang. Un éléphant mort barrait de sa masse grise, colossale muraille écroulée, tout un coin du ciel extraordinairement bleu. Aux lointains s’agitaient, en des cercles de gradins s’étageant, une buée de formes pâles d’où venaient des clameurs étranges, et la bête, ayant terminé son intime toilette, chercha un moment, le mufle à terre, la raison de ces cris de fureur, inexplicables pour elle dont les mœurs froides et méthodiques n’admettaient que l’utilité du meurtre sans en comprendre