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Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/175

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encore les différentes hystéries. De là-bas lui arrivaient le grondement sourd d’un flot battu par le vent, des plaintes de branches craquant sous la foudre. Elle eut un miaulement railleur qui défiait les orages, et, sans trop se presser, prise du caprice inconcevable de leur montrer la douceur des véritables bêtes féroces, elle fut s’attabler devant la savoureuse masse de l’éléphant, dédaignant les proies humaines. Elle but à loisir la liqueur fumante ruisselant du monstrueux cadavre, se tailla un ample lambeau de chair, puis, le festin achevé, campée sur les restes de son repas, elle lustra sa patte gauche avec sollicitude. Deux jours avant sa délivrance, on avait semé, en l’obscurité de sa prison, des viandes indignes assaisonnées de cumin, saupoudrées de safran, pour surexciter le feu dévorant de ses entrailles ; mais l’habile flaireuse s’était abstenue, ayant connu de plus longs jeûnes et de plus dangereuses tentations. Point ignorante, quoique vierge, elle savait