Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/180

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et le piège obscur redescendit aux souterrains.

Des jours, des nuits coulèrent, atroces. Elle avait de temps en temps un miaulement lugubre, un appel au soleil qu’elle ne devait plus revoir. Devenue la légende du cirque, on lui faisait subir tous les supplices. Lâche, disait-on, elle avait refusé le combat, et ne pouvait plus prétendre au rang d’animal noble. Le gardien des fauves prisonniers, un esclave très vieux, sans pitié pour sa gueule élargie par la lame d’une épée qu’elle avait mordue, ne lui donnait que les rebuts des cages voisines, des os déjà rongés, des choses pourries, infectes, qu’on entassait chez elle comme en un cloaque. Sa fourrure, souillée d’immondices, se couvrait de plaies ; des jeunes garçons, pour se moquer, lui avaient cloué la queue au sol jusqu’à ce qu’elle l’eût, d’un effort douloureux, arrachée du clou en y laissant de sa peau. Le vieil esclave s’amusait à la braver, lui offrant une main pendant